LOI DE FINANCES POUR 1999
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 décembre 1998, par MM. Jean-Louis Debré, José Rossi, Philippe Douste-Blazy, Philippe Séguin, Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Mme Michèle Alliot-Marie, MM. René André, André Angot, Philippe Auberger, Jean Auclair, Mme Martine Aurillac, MM. Jean Bardet, François Baroin, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Franck Borotra, Michel Bouvard, Philippe Briand, Christian Cabal, Gilles Carrez, Mme Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Jean-Paul Charié, Jean-Marc Chavanne, Olivier de Chazeaux, Alain Cousin, Charles Cova, Henri Cuq, Lucien Degauchy, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Marc Dumoulin, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Michel Ferrand, François Fillon, Roland Francisci, Yves Fromion, Robert Galley, Henri de Gastines, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Michel Giraud, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christian Jacob, Didier Julia, Jacques Kossowski, Robert Lamy, Pierre Lellouche, Jean-Claude Lemoine, Jacques Limouzy, Lionnel Luca, Alain Marleix, Patrice Martin-Lalande, Jacques Masdeu-Arus, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Gilbert Meyer, Charles Miossec, Jacques Myard, Jean-Marc Nudant, Mme Françoise de Panafieu, MM. Robert Pandraud, Jacques Pélissard, Michel Péricard, Etienne Pinte, Serge Poignant, Bernard Pons, Robert Poujade, Didier Quentin, Jean-Bernard Raimond, Nicolas Sarkozy, André Schneider, Bernard Schreiner, Michel Terrot, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Jean Valleix, François Vannson, Roland Vuillaume, Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Alain Madelin, Mme Nicole Ameline, M. François d'Aubert, Mme Sylvia Bassot, MM. Jacques Blanc, Roland Blum, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Antoine Carré, Pascal Clément, Georges Colombier, Francis Delattre, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Dominique Dord, Charles Ehrmann, Nicolas Forissier, Gilbert Gantier, Claude Gatignol, Claude Goasguen, François Goulard, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Philippe Houillon, Denis Jacquat, Aimé Kerguéris, Marc Laffineur, Jean-Claude Lenoir, Pierre Lequiller, Jean-François Mattei, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Paul Patriarche, Bernard Perrut, Jean Proriol, Jean Rigaud, Jean Roatta, Joël Sarlot, Guy Teissier, Philippe Vasseur, Gérard Voisin, François Bayrou, Pierre Albertini, Pierre-Christophe Baguet, Dominique Baudis, Jean-Louis Bernard, Claude Birraux, Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Jean Briane, Dominique Caillaud, René Couanau, Charles de Courson, Yves Coussain, Léonce Deprez, Renaud Donnedieu de Vabres, Renaud Dutreil, Alain Ferry, Jean-Pierre Foucher, Claude Gaillard, Germain Gengenwin, Hubert Grimault, Pierre Hériaud, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Jean-Jacques Jégou, Christian Kert, Edouard Landrain, Jean Leonetti, François Léotard, Maurice Leroy, Roger Lestas, Maurice Ligot, François Loos, Christian Martin, Pierre Méhaignerie, Pierre Micaux, Mme Louise Moreau, MM. Arthur Paecht, Dominique Paillé, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, Gilles de Robien, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Michel Voisin, Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer, députés, et le 21 décembre 1998 par MM. Josselin de Rohan, Nicolas About, Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, René Ballayer, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Jean-Paul Bataille, Jacques Baudot, Michel Bécot, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Paul Blanc, André Bohl, James Bordas, Joël Bourdin, Jean Boyer, Louis Boyer, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Gérard César, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Xavier Darcos, Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Gérard Deriot, Charles Descours, Michel Doublet, Xavier Dugoin, André Dulait, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Jean Faure, Hilaire Flandre, Bernard Fournier, Philippe François, Yves Fréville, Yann Gaillard, René Garrec, Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, François Gerbaud, Francis Giraud, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Hubert Haenel, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Jean-Paul Hugot, Jean-François Humbert, Claude Huriet, Pierre Jarlier, Charles Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Alain Lambert, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Guy Lemaire, Serge Lepeltier, Jean-Louis Lorrain, Roland du Luart, Jacques Machet, Kléber Malécot, André Maman, Philippe Marini, Paul Masson, Serge Mathieu, Louis Mercier, Michel Mercier, Jean-Luc Miraux, Louis Moinard, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Guy Poirieux, Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Michel Pelchat, Jean Pépin, Alain Peyrefitte, Ladislas Poniatowski, Jean Puech, Henri de Raincourt, Jean-Pierre Raffarin, Philippe Richert, Yves Rispat, Jean-Pierre Schosteck, Michel Souplet, Louis Souvet, Henri Torre, René Trégouët, François Trucy, Jacques Valade, Xavier de Villepin, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1999 ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la loi no 95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ;
Vu la loi de finances pour 1996 (no 95-1346 du 30 décembre 1995), et notamment son article 110 ;
Vu la loi de finances pour 1998 (no 97-1269 du 30 décembre 1997) ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel no 97-395 DC du 30 décembre 1997 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 1998 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1999, et notamment le 2o du I de l'article 2, les articles 7, 13, 18, 19, 23, 24, 29, 38, 44 et 107 ; que les sénateurs contestent pour leur part les articles 15, 38, 41, 51, 52, 64, 77, 99, 107 et 136 ;
Sur la sincérité de la présentation budgétaire :
Considérant que les députés requérants soutiennent que, contrairement aux dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée et aux motifs énoncés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 décembre 1997 susvisée, des recettes, de caractère fiscal, demeurent rattachées par voie de fonds de concours au budget des services financiers alors qu'elles auraient dû être réintégrées dans le budget général de l'Etat dans le projet de loi de finances pour 1999 ; qu'il s'ensuivrait une altération du calcul du taux des prélèvements obligatoires de nature à porter atteinte à la sincérité de la loi de finances ; qu'en outre, en méconnaissance de l'article 110 de la loi de finances pour 1996 susvisée, « des fonds extrabudgétaires gérés sur les comptes de tiers 451 et 466-171 n'ont pas été intégrés au budget général » ; que cette pratique, sur laquelle la commission des finances de l'Assemblée nationale n'aurait pu obtenir les précisions nécessaires, porterait manifestement atteinte aux droits d'information et de contrôle du Parlement ; qu'enfin certaines dépenses de l'Etat, correspondant à la compensation d'exonérations, de réductions ou de plafonnements d'impôts locaux, ont été présentées à tort comme des prélèvements sur recettes ;
Considérant que les sénateurs requérants font valoir que l'article 43, compte tenu des évaluations de recettes mentionnées à l'état A, ainsi que l'article 77 relatif aux ouvertures de crédits des comptes d'affectation spéciale sont entachés d'insincérité budgétaire et contreviendraient au principe d'universalité budgétaire ; que, selon eux, les estimations de recettes et de charges du compte de cessions de titres publics sont délibérément sous-évaluées en ignorant l'impact budgétaire de la cession prochaine d'une fraction du capital de l'entreprise Aérospatiale et en ne prenant pas en compte les produits de la cession du Crédit lyonnais et l'emploi qui sera fait de ces ressources ;
Considérant, en premier lieu, que les prélèvements effectués en application des dispositions de l'article 6 de la loi no 49-1034 du 31 juillet 1949 portant aménagement de la taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d'affaires, antérieurement rattachés, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, au budget des services financiers par voie de fonds de concours, sont inscrits, à compter de 1999, à la ligne 309 des recettes non fiscales de l'Etat ; que la qualification ainsi donnée à ces recettes est sans incidence sur l'évaluation du déficit prévisionnel en loi de finances initiale et, partant, sur la sincérité budgétaire, puisque les crédits qu'elles permettaient d'ouvrir en cours d'année sont désormais retracés dans les dépenses du budget général ; que les éventuelles conséquences de la qualification donnée à ces recettes sur le calcul d'un « taux des prélèvements obligatoires » sont, en tout état de cause, sans incidence sur la sincérité de la loi de finances ;
Considérant, en deuxième lieu, que les comptes de tiers 451 et 466-171 constituent l'essentiel du reliquat d'un effort engagé depuis 1996, et qui devra être mené à terme, en vue de régulariser diverses procédures d'affectation non conformes à l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; que le montant des sommes en cause est par ailleurs limité par rapport aux masses budgétaires ; que, dans ces conditions, le grief ne peut être accueilli ;
Considérant, en troisième lieu, que si, en principe, les concours apportés par l'Etat aux collectivités locales en compensation d'exonérations, de réductions ou de plafonnements d'impôts locaux constituent bien des dépenses de l'Etat, et devraient figurer au budget général en application de l'article 18 de l'ordonnance précitée, de tels concours peuvent néanmoins, sans méconnaître les principes d'universalité et de sincérité budgétaires, donner lieu à un mécanisme de prélèvement sur recettes, dès lors que celui-ci est, dans son montant et sa destination, défini de façon distincte et précise dans la loi de finances, et qu'il est assorti, tout comme les chapitres budgétaires, de justifications appropriées ; que tel est le cas des compensations mentionnées par les députés requérants, qui sont intégrées dans les prélèvements retracés et évalués à l'état A annexé à la loi de finances, auquel renvoie l'article 64 de la loi déférée ; que le moyen doit par suite être rejeté ;
Considérant qu'en application de la loi susvisée du 28 novembre 1995 les recettes tirées du transfert au secteur privé de la majorité du capital du Crédit lyonnais seront affectées à l'établissement public de financement et de réalisation créé par ladite loi ; que le moyen invoqué manque en fait ;
Considérant que l'autre opération à laquelle font référence les sénateurs requérants présente un caractère aléatoire ; que, dès lors, les exigences d'universalité et de sincérité budgétaires n'ont pas été méconnues ;
Sur le 2o du I de l'article 2 :
Considérant que cet article , qui détermine le barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour l'année 1999, modifie le I de l'article 197 du code général des impôts afin d'abaisser de 16 380 F à 11 000 F le montant de l'avantage maximal d'impôt par demi-part résultant de l'application du mécanisme du quotient familial ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que cette disposition méconnaît tant les exigences de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que celles du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et du paragraphe 3 de l'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en créant, entre foyers fiscaux, des inégalités non justifiées par un motif d'intérêt général, et en pénalisant doublement le revenu de certaines familles, du fait de son cumul avec la suppression des allocations familiales ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'en outre, aux termes du onzième alinéa de ce même texte, la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;
Considérant que l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ; qu'il est cependant loisible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d'aide aux familles qui lui paraissent appropriées ; qu'outre les prestations familiales directement servies par les organismes de sécurité sociale ces aides sont susceptibles de revêtir la forme de prestations, générales ou spécifiques, directes ou indirectes, apportées aux familles tant par les organismes de sécurité sociale que par les collectivités publiques ; que ces aides comprennent notamment le mécanisme fiscal du quotient familial ;
Considérant qu'en abaissant de 16 380 F à 11 000 F le montant de l'avantage maximal d'impôt par demi-part, résultant de l'application du mécanisme du quotient familial, le législateur n'a pas, compte tenu des autres aides aux familles, maintenues ou rétablies, remis en cause les exigences des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'objet même de la loi que les contribuables ayant des enfants à charge seront traités différemment des contribuables sans enfant à charge ; que la circonstance que le plafonnement maximal résultant du bénéfice de deux demi-parts, accordé aux parents isolés, demeure fixé à 20 170 F est sans incidence sur la constitutionnalité du nouveau dispositif, le législateur ayant pu apprécier différemment les charges respectives des foyers selon leur composition ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux dispositions d'un texte de droit international ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en rendant applicable le nouveau plafonnement au calcul de l'impôt sur les revenus perçus en 1998, exigible en 1999, le législateur s'est borné à déterminer les modalités d'application de la loi dans le temps, en fondant son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu'il s'était assigné ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens invoqués doivent être rejetés ;
Sur l'article 7 :
Considérant que cet article porte le plafond d'application du régime fiscal des « micro-entreprises » de 100 000 F à 500 000 F pour les entreprises d'achat-revente et à 175 000 F pour les prestataires de services et les titulaires de bénéfices non commerciaux ; qu'il supprime corrélativement les régimes du forfait et de l'évaluation administrative ; que les nouveaux seuils déterminent, pour les contribuables concernés, l'application de taux d'abattement servant à la détermination de leurs bénéfices et ouvrent droit à la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que, selon la requête des députés, ces dispositions entraîneraient des distorsions de concurrence dans certains secteurs d'activité, notamment celui du bâtiment ; qu'en effet, les activités d'achat-revente et de prestation de services étant difficilement dissociables dans ce secteur, les dispositions contestées seraient de nature à créer une rupture d'égalité entre entreprises ; qu'ainsi seraient méconnues les exigences du principe d'égalité ainsi que les dispositions de la sixième directive communautaire sur la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
Considérant que le législateur a entendu, en étendant la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée, simplifier les démarches et les obligations des petites entreprises ; qu'au regard de l'objet de la loi, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en déterminant les seuils applicables et les catégories d'entreprises concernées ; que les effets éventuels des dispositions contestées sur les conditions de la concurrence dans un secteur déterminé ne sont pas constitutifs d'une rupture de l'égalité devant l'impôt ; que, par suite, le moyen doit être rejeté ;
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi à une directive européenne ; que les griefs invoqués doivent, par suite, être rejetés ;
Sur l'article 13 :
Considérant que l'article 13 porte à 1,8 % le tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune applicable à la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine supérieure à 100 millions de francs ; qu'un tel taux prend en compte les facultés contributives des citoyens concernés ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, il n'a pas pour conséquence, par ses effets sur le patrimoine de ces contribuables, de porter atteinte à leur droit de propriété ;
Sur l'article 15 :
Considérant que cet article tend, pour l'établissement de l'impôt de solidarité sur la fortune, à comprendre, pour leur valeur en pleine propriété, les biens ou droits dont la propriété est démembrée, à compter du 1er janvier 1999, dans le patrimoine de la personne qui est l'auteur de ce démembrement, qu'elle se soit réservé soit l'usufruit ou le droit d'usage ou d'habitation, soit la nue-propriété ; qu'il énumère toutefois les cas dans lesquels les biens ou droits sont compris, respectivement, dans les patrimoines du propriétaire, auteur du démembrement de propriété, et du bénéficiaire de celui-ci, dans les proportions déjà fixées à l'article 762 du code général des impôts ;
Considérant que les sénateurs requérants soutiennent qu'en imposant un bien dans le patrimoine du nu-propriétaire, cet article méconnaît les exigences de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui imposeraient que ne puisse être assujetti à l'impôt sur la fortune que celui qui perçoit les revenus des biens ou droits taxables ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ;
Considérant que l'impôt de solidarité sur la fortune a pour objet de frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés par ces biens ; qu'en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l'impôt de solidarité sur la fortune est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables ;
Considérant que le législateur a méconnu la règle ainsi rappelée en prévoyant que l'impôt de solidarité sur la fortune pourrait, dans le cas mentionné au premier alinéa du nouvel article 885 G bis, être assis sur un bien dont le contribuable nu-propriétaire ne tirerait aucun revenu, alors que serait prise en compte dans le calcul de l'impôt la valeur en pleine propriété dudit bien ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer l'article 15 contraire à la Constitution ;
Sur l'article 18 :
Considérant que cet article impose aux contribuables, à l'occasion du dépôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune, de joindre les pièces nécessaires à la justification de la déduction du passif ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que cet article serait contraire au respect des droits de la défense en permettant à l'administration fiscale de procéder à une vérification sans respecter les garanties particulières qui entourent la procédure de l'examen contradictoire de la situation personnelle, et en l'autorisant, à défaut de réponse ou en cas de justification insuffisante, à rectifier d'office la déclaration d'impôt ;
Considérant qu'il était loisible au législateur d'instituer une procédure spécifique de demande d'éclaircissements et de justifications en matière d'impôt sur la fortune, indépendante de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ; qu'en cas de non-respect par le contribuable de ses obligations déclaratives l'administration ne peut rectifier une déclaration qu'en se conformant à la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que les griefs invoqués doivent par suite être rejetés ;
Sur les articles 19, 23 et 24 :
Considérant que l'article 19 modifie les règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit ; que l'article 23 a pour objet de soumettre aux droits de mutation à titre gratuit et à l'impôt de solidarité sur la fortune les immeubles et droits immobiliers situés sur le territoire français et détenus par des non-résidents par l'intermédiaire d'organismes ou de personnes morales interposés ; que l'article 24 organise l'imposition des plus-values constatées et des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que ces articles seraient manifestement contraires aux principes communautaires de liberté d'établissement d'un résident français dans un autre Etat de l'Union européenne et de liberté de circulation des capitaux, de même qu'à « un certain nombre de conventions fiscales bilatérales » ; qu'au surplus, en étant fondés sur une présomption implicite de fraude fiscale, ces articles méconnaîtraient le principe fondamental de la présomption d'innocence ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; qu'au demeurant les dispositions contestées ne font pas obstacle à l'application de conventions fiscales bilatérales ; qu'il est loisible au législateur de modifier les règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit, d'impôt sur la fortune et d'imposition de certaines plus-values, afin d'éviter que certains biens ou revenus n'échappent à l'impôt ; que les dispositions critiquées, qui déterminent, selon des critères objectifs, les personnes et les situations auxquelles elles s'appliquent, n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la présomption d'innocence ; qu'ainsi ce dernier moyen manque en fait ;
Sur l'article 29 :
Considérant que les députés requérants soutiennent que cet article , qui soumet au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée les abonnements aux réseaux publics de distribution de gaz et d'électricité, crée une rupture d'égalité au détriment des réseaux de chaleur et des systèmes de chauffage utilisant les énergies renouvelables, notamment le bois ;
Considérant qu'il était loisible au législateur de prendre la mesure critiquée, eu égard à la spécificité et à l'importance, pour la vie quotidienne de la population, des réseaux publics d'électricité et de gaz combustible, qui n'ont d'ailleurs pas pour seul objet le chauffage ; que les conséquences éventuelles de cette mesure sur les conditions de la concurrence entre entreprises fournissant de la chaleur au public ne sont pas constitutives d'une violation du principe d'égalité ;
Sur l'article 38 :
Considérant que cet article a pour objet d'accroître les ressources du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France en élargissant aux locaux commerciaux et de stockage l'assiette de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que cet article porterait une atteinte injustifiée au principe d'égalité en assujettissant à ladite taxe des activités qui « ne sauraient pour la plupart faire l'objet d'une délocalisation tendant à optimiser leur situation géographique à l'intérieur de la région », ainsi qu'en traitant de manière différente les entreprises pour lesquelles le stockage ne constitue qu'une partie de leur activité et celles dont le stockage constitue l'activité exclusive ; que les sénateurs considèrent en outre que l'égalité devant l'impôt serait méconnue en ce que certaines entreprises seraient exonérées en fonction de leur secteur d'activité, de leur forme juridique ou de leur taille ; que la superficie des locaux concernés ne saurait refléter la capacité contributive des entreprises redevables de la taxe ; qu'enfin, en n'exonérant pas les locaux inutilisables en l'état ou vacants pour une cause étrangère à la volonté du bailleur, l'article 38 serait contraire au principe d'égalité et au droit de propriété ;
Considérant qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer l'assiette et le taux sous la réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ;
Considérant qu'en décidant d'élargir l'assiette de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France aux locaux commerciaux et de stockage dont les superficies sont respectivement égales ou supérieures à 2 500 m et 5 000 m, et en fixant des taux respectifs de 12 F et de 6 F par mètre carré, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu'il s'est fixé, qui est de préserver la capacité d'intervention financière de l'Etat en Ile-de-France afin de corriger les déséquilibres de cette région en matière de logement social, de transports collectifs et d'infrastructures de transports ; qu'il n'a pas méconnu les capacités contributives des entreprises assujetties en faisant varier le montant de la taxe en proportion de la superficie des locaux ; que les exonérations prévues en faveur de certaines activités sont justifiées soit par leur caractère d'intérêt général, soit par leur spécificité au regard des finalités d'aménagement du territoire que poursuit le législateur ; qu'au regard de l'objet de la loi il était loisible à ce dernier d'assujettir à la taxe les locaux en cause quel que soit leur état d'utilisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs articulés par les deux requêtes doivent être rejetés ;
Sur l'article 41 :
Considérant que le I de l'article 41 fixe le crédit d'impôt institué par l'article 158 bis du code général des impôts à 45 % des sommes versées par la société lorsque l'actionnaire susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique ; que, corrélativement, en vertu du II de l'article 41, le précompte mentionné à l'article 223 sexies du même code est égal au crédit d'impôt calculé dans les conditions précédentes lorsque la société justifie que la personne susceptible de l'utiliser n'est pas une personne physique ;
Considérant que les sénateurs soutiennent que cet article introduit, sans aucune justification, une discrimination contraire au principe d'égalité devant l'impôt entre les sociétés, selon qu'elles peuvent apporter la preuve que leurs actionnaires sont ou non des personnes physiques ; qu'en effet une telle condition serait impossible à remplir pour les sociétés cotées, « dont l'actionnariat est par définition mouvant » ;
Considérant que le législateur a entendu abaisser le taux de l'avoir fiscal attaché aux dividendes reçus par les sociétés actionnaires et utilisés à compter du 1er janvier 1999 ; qu'il a prévu de réduire à due concurrence le taux applicable au calcul du précompte pour les distributions mises en paiement à compter de cette même date et que la société distributrice justifie avoir attribuées aux sociétés utilisant l'avoir fiscal au taux de 45 % ;
Considérant que l'article 41 n'exclut pas les sociétés cotées du bénéfice de la réduction du taux applicable au précompte ; que les difficultés pratiques que pourraient connaître ces sociétés pour établir la part de leur actionnariat susceptible d'utiliser l'avoir fiscal au taux de 45 % n'entachent pas d'inconstitutionnalité la disposition déférée ;
Sur l'article 44 :
Considérant que cet article a pour objet de supprimer en cinq ans la composante salariale de l'assiette de la taxe professionnelle en instituant une compensation financière en faveur des collectivités territoriales ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que cet article serait, à plusieurs titres, entaché d'inconstitutionnalité ; qu'il porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités locales affirmé à l'article 72 de la Constitution ; qu'il créerait en outre, entre contribuables, des différences de traitement ne reposant sur aucune différence de situation, ni sur aucun motif d'intérêt général ; qu'ainsi, les membres des professions libérales, agents d'affaires et intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés et relevant du régime fiscal des bénéfices non commerciaux supporteront une taxe professionnelle inchangée, contrairement à ceux qui emploient plus de cinq salariés et qui bénéficieront de la réforme, et alors qu'une petite ou moyenne entreprise réalisant la même prestation et le même chiffre d'affaires verra sa cotisation baisser sensiblement ; que l'exclusion des redevables des bénéfices non commerciaux de la mesure d'allégement de la taxe professionnelle ne serait pas justifiée par l'objectif d'intérêt général poursuivi par la loi de favoriser la création d'emplois puisque ces redevables contribuent au contraire à créer des emplois ;
En ce qui concerne la libre administration des collectivités territoriales :
Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, ainsi que la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ;
Considérant que, toutefois, les règles posées par la loi, sur le fondement de ces dispositions, ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ;
Considérant qu'en contrepartie de la suppression progressive de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle la loi institue une compensation dont le montant, égal, en 1999, à la perte de recettes pour chaque collectivité locale, sera indexé par la suite sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement, avant d'être intégré dans cette dernière à partir de 2004 et réparti selon les critères de péréquation qui la régissent ; que ces règles n'ont pour effet ni de diminuer les ressources globales des collectivités locales ni de restreindre leurs ressources fiscales au point d'entraver leur libre administration ;
En ce qui concerne le principe d'égalité :
Considérant qu'il appartient au législateur de déterminer librement l'assiette d'une imposition sous réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; qu'il doit, en particulier, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu'il se propose ; que le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que le législateur, dans l'exercice des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, supprime des éléments de l'assiette d'une imposition, dès lors qu'en allégeant ainsi la charge pesant sur les contribuables il n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité entre ceux-ci ;
Considérant que le législateur a entendu, en allégeant ainsi les charges des entreprises, encourager l'activité économique et la création d'emplois ; que n'est pas de nature à créer une rupture caractérisée de l'égalité entre contribuables la circonstance que des contribuables, n'étant pas assujettis à la part salariale de la taxe professionnelle, ne bénéficieront d'aucune baisse de leur cotisation d'impôt, alors qu'ils pourraient être concernés par certaines des mesures prises en contrepartie telles que la suppression de la réduction pour embauche et investissement ou la majoration des taux de la cotisation de péréquation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs doivent être rejetés ;
Sur l'article 52 :
Considérant que cet article institue au profit du budget général de l'Etat un prélèvement de 5 milliards de francs sur le fonds commun de réserve et de garantie et le fonds de solidarité et de modernisation des caisses d'épargne et de prévoyance gérés par le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance ;
Considérant que les sénateurs requérants font grief à ce prélèvement de constituer une imposition qui, en pesant sur un contribuable unique, méconnaîtrait le principe d'égalité devant l'impôt ; que cette imposition présenterait en outre un caractère confiscatoire ;
Considérant qu'il était loisible au législateur d'assurer au budget de l'Etat des ressources supplémentaires en instituant un prélèvement exceptionnel sur le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance s'imputant sur les deux fonds susmentionnés ; que, eu égard aux conditions dans lesquelles ces fonds ont été constitués et à la situation juridique particulière du réseau des caisses d'épargne et de prévoyance, l'assujettissement du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance ne méconnaît pas le principe d'égalité devant l'impôt ; qu'enfin, compte tenu du montant des fonds sur lesquels sera opéré le prélèvement, le grief tiré du caractère confiscatoire de celui-ci manque en fait ;
Sur l'article 99 :
Considérant que cet article a pour objet de permettre aux communes d'instituer une taxe due par toute personne exerçant une activité saisonnière non salariée, à caractère commercial, sur le territoire de la commune ;
Considérant que les sénateurs soutiennent que l'assiette de la taxe serait définie de manière imprécise, en méconnaissance des exigences de l'article 34 de la Constitution et que le choix entre la taxation forfaitaire et la taxation selon la surface du local laisserait place à l'arbitraire ; que le principe d'égalité devant l'impôt serait méconnu en ce que la superficie d'un local serait indépendante des facultés contributives des redevables ; que « la possibilité de poursuivre solidairement le propriétaire du local ou du terrain où le redevable exerce son activité, en cas de non-paiement de la taxe » serait contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'enfin les modalités de recouvrement ne seraient pas définies « avec la précision indispensable » ;
Considérant qu'il appartient au législateur, sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; que s'il peut, lorsqu'il s'agit d'une imposition perçue au profit d'une collectivité locale, confier à cette dernière la tâche d'assurer ce recouvrement, il doit en déterminer les règles avec une précision suffisante ; qu'en se bornant à prévoir que : « Le recouvrement de la taxe sur les activités à caractère saisonnier est opéré par les soins de l'administration municipale ; il peut être poursuivi solidairement contre le propriétaire du local ou du terrain où le redevable exerce son activité » le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; que l'article 99 doit, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, être regardé comme contraire à la Constitution ;
Sur l'article 107 :
Considérant que l'article 107 se borne à permettre à la direction générale de la comptabilité publique, à la direction générale des impôts et à la direction générale des douanes et des droits indirects d'utiliser, en vue d'éviter les erreurs d'identité et de vérifier les adresses des personnes, le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, dans le cadre des missions respectives de ces directions, ainsi qu'à l'occasion des transferts de données opérés en application des articles L. 81 A et L. 152 du livre des procédures fiscales ; que les trois directions précitées ne peuvent collecter, conserver ou échanger entre elles les numéros d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques que pour mettre en oeuvre des traitements de données relatifs à l'assiette, au contrôle et au recouvrement de tous impôts, droits, taxes, redevances ou amendes ; que toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations sont soumises à l'obligation de secret professionnel prescrite par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales ; que la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés a la faculté d'intervenir « lorsque la mise en oeuvre du droit de communication prévu aux articles L. 81 A et L. 152 s'avère susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux droits et libertés visés à l'article 1er de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978... » ; qu'en outre le législateur n'a pu entendre déroger aux dispositions protectrices de la liberté individuelle et de la vie privée établies par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; que si, en vertu des nouvelles dispositions, les directions précitées du ministère de l'économie et des finances mentionnent le numéro d'identification des personnes physiques lorsqu'elles communiquent, en application des dispositions de l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, des informations nominatives aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de base de sécurité sociale et aux institutions mentionnées au chapitre Ier du II du livre IX du code de la sécurité sociale, ces communications doivent être strictement nécessaires et exclusivement destinées à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations, au calcul de celles-ci, à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions, à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions, ainsi qu'à leur recouvrement ; que la méconnaissance de ces dispositions sera réprimée dans les conditions prévues par le V de l'article 107 ;
Considérant, enfin, que l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire national d'immatriculation des personnes physiques a pour finalité d'éviter les erreurs d'identité, lors de la mise en oeuvre des traitements de données en vigueur, et ne conduit pas à la constitution de fichiers nominatifs sans rapport direct avec les opérations incombant aux administrations fiscales et sociales ;
Considérant qu'eu égard à l'objet de l'article 107 et sous réserve des garanties dont est assortie sa mise en oeuvre, il y a lieu de rejeter le grief tiré dans les deux requêtes de la méconnaissance des exigences constitutionnelles relatives à la protection de la vie privée et de la liberté individuelle ;
Sur les articles 51 et 136 :
Considérant que l'article 51 institue une taxe de l'aviation civile au profit du budget annexe de l'aviation civile et du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien ; que l'article 136 crée une taxe d'aéroport perçue au profit des personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes ;
Considérant que les sénateurs soutiennent que ces dispositions encourent la censure du Conseil constitutionnel à plusieurs titres ; que les taxes qu'elles instituent, qui financent des missions d'intérêt général incombant par nature à l'Etat, devraient être retracées par la loi de finances ; que seraient dès lors méconnues les exigences de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République feraient obstacle à ce que des impôts puissent être perçus au profit de personnes privées ; qu'enfin l'institution de ces taxes méconnaîtrait le principe d'égalité devant les charges publiques, énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au motif que le financement de missions d'intérêt général par ces taxes ne saurait incomber aux compagnies aériennes ou à leurs clients ;
Considérant que le produit de la taxe de l'aviation civile sera attribué à un budget annexe et à un compte d'affectation spéciale ; que manquent dès lors en fait les moyens tirés de ce que cette taxe ne serait pas retracée en loi de finances et de ce que son produit serait attribué à une personne privée ;
Considérant que, si les missions financées par la taxe d'aéroport, instituée par l'article 136, présentent un caractère d'intérêt public, elles ne constituent pas pour autant des charges permanentes de l'Etat au sens de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; que, par suite, les dépenses en cause n'ont pas à figurer dans le budget de l'Etat ;
Considérant qu'aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République n'interdit que le produit d'une imposition soit attribué à un établissement public ou à une personne privée chargée d'une mission de service public ; que le législateur pouvait en conséquence prévoir que le produit de la taxe d'aéroport serait perçu au profit des personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes ;
Considérant, enfin, qu'en mettant à la charge des entreprises de transport aérien public une taxe qui s'ajoute au prix acquitté par le client, et qui sera affectée, sur chaque aérodrome, au financement de services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril aviaire et de sûreté, ainsi qu'à celui de mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu'au regard du montant de cette taxe, comme des missions qu'elle sera appelée à financer, le législateur n'a pas créé de rupture caractérisée de l'égalité entre les redevables de cette taxe et les autres citoyens ; qu'il en va de même de la taxe instituée par l'article 51 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs doivent être rejetés ;
Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner d'office aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :
Art. 1er. - Le 2o du I de l'article 2, les articles 7, 13, 18, 19, 23, 24, 29, 38, 41, 44, 51, 52, 64, 77 et 136, ainsi que l'article 107 sous les réserves ci-dessus indiquées, sont déclarés conformes à la Constitution.
Art. 2. - Les articles 15 et 99 sont déclarés contraires à la Constitution.
Art. 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.